Du coup de cœur à la réflexion
Par Bernadette Guiard

Petite silhouette noire à la voix chaleureuse, La chanteuse, seule en scène Répand autour d elle des étoiles, Fragile et puissante, elle clame son cri de victoire C’est un oiseau, une flamme, un drapeau, La vie, tout à coup, déborde, envahit tout l’espace réveillant la joie d’être, Tantôt volcan, tantôt soie fruits de la passion larmes et foi.
Barbara PRAVI du haut de ses 1m59 livre en musique son message identitaire à des millions de personnes dans le cadre de l’Eurovision : « Voilà, voilà, voilà QUI JE SUIS »
Il émeut parce qu’il est VRAI. Il signe sa singularité sans fard ni paillettes, nous rappelant combien chacun est unique. Au delà de la chanson, les mots choisis nous disent quelque chose de nous qui touche notre propre humanité.
On décèle à la fois une spontanéité et une générosité qui s’expriment à travers sa gestuelle, sa voix, son sourire. Tout est sobre, élégant, naturel.
Chacun emprunte un chemin différent selon son histoire, sa sensibilité, ses goûts, le sens donné à son existence. La méditation, le travail, la contemplation, la rencontre avec les autres sont autant de voies permettant de s’incarner.
Toutes sont portées par une créativité ordinaire ou exceptionnelle qui donne corps à un projet au service de…. soi ? Pas uniquement. La communication et le partage semblent indispensables, tel l’oxygène que l’on respire. Il est des vecteurs privilégiés : l’art de vivre en témoigne inclus dans l’art sous toutes ses formes.
Le désir d’être vivant, reconnu, apprécié par ses semblables est un moteur puissant. Maçons, couturières, pâtissiers, pompiers, infirmiers….( la liste est longue ) œuvrent pour assurer, certes le gîte et le couvert, mais, pour autant, personne ne se réduit à sa fonction. La richesse d’un individu émane de ce que l’on appelle l’expérience, conjugaison entre le vécu et les leçons de vie apprises quand on s’autorise à grandir grâce à son travail. L’art de vivre allie plaisir et création.
Laisser une empreinte de son passage procède de talents spécifiques où certains excellent. Écrivains, poètes, peintres, sculpteurs, photographes….( la liste est longue ) mettent leur art au service d’un message, d’une cause, ou célèbrent la Beauté en tentant de passer de l’indicible au tangible. La singularité des uns et des autres se fait présence au monde dans « l’être là », dans la trace que laisse une main, une parole, une voix, un regard, un mouvement, un AGIR qui s’ex-priment, autrement dit qui montent de l’intérieur vers l’extérieur.
Être interpellé par l’Autre, sa sensibilité, semblable et différente de la nôtre, non par son origine mais par son expression, nous augmente, établit une correspondance d’âme à âme.
On se reconnaît à travers une vibration subtile, une attraction qui instaure la relation susceptible de devenir rencontre, fulgurante ou progressive. L’Eurovision n est pas, et c’est heureux, le seul lieu de rencontre. C’est peut être même un miroir aux alouettes, une illusion. La rencontre n’est en aucun cas éphémère.
Elle obéit à un élan qui procède, selon les cas, de la souffrance ou de la joie éprouvées au contact de deux êtres et lentement se transforme et nous transforme quand elle s’inscrit dans la durée, traversant les âges et les continents. Elle procède d’une réciprocité basée sur la confiance et la transparence. Les médias qui jouent beaucoup sur l’émotion nous donnent à voir des rencontres instantanées, susceptibles de mettre à l ‘honneur la profondeur des êtres qui renvoie à la nôtre :
– c’est la jeune femme de la Croix Rouge qui prend dans ses bras, pour le réconforter, un jeune homme qui vient d’échouer sur la plage de Ceuta, épuisé, après avoir traversé à la nage la Méditerranée depuis le Maroc,
– c’est le jeune homme qui s’est battu avec succès pour extraire de la rue un SDF avec lequel il avait sympathisé et l’a aidé à retrouver sa dignité perdue, par le travail.
– c’est un groupe de jeunes des cités qui pendant le confinement ont assumé les courses pour les personnes âgées qui ne pouvaient se déplacer. La vie se donne ainsi à lire à travers des singularités qui actent nos droits et nos devoirs d’hommes, sans artifices ni symboles.
Outre les anonymes, ce sont des figures remarquables qui se sont imposées : Gandhi, Mère Thérésa, Martin Luther King ou Mandela ont fait de leur vie une mission. Non violence au service de la liberté, lutte contre la pauvreté, militantisme contre le racisme …aucun n’a dévié de ses engagements. Ils ont fait preuve de courage, de persévérance, de compassion jusqu’au pardon, autant de qualités propres à tout homme quand la violence ne les a pas anéanties. Ces « figures », tel l’Abbé Pierre en France, ont œuvré contre l’indifférence, l’exclusion, l’intolérance sous toutes ses formes. Elles étaient mues par un idéal. Elles invitent chacun d’entre nous, avec nos moyens, depuis la place que l’on occupe, à les relayer. Il nous appartient de faire appel aux valeurs universelles qui fondent l’humanité.
Quand elles sont éloignées de la renommée ou du profit, ces valeurs portent les hommes, les grandissent, les relient, quelles que soient leur couleur, leur genre, leur religion, leur milieu social. Elles respectent l’intégrité de chaque être, son unicité, son unité en tant que réalité cohérente, indivisible, nous faisant tous « SUJETS ». Le contraire du reniement de soi se décline dans cette affirmation sans cesse à renouveler : « Soyons sujets, assumons cette distinction ». Sujets de paix, il va de soi, quand les conflits trouvent une résolution sans prise d’armes ; quand la réconciliation prend le pas sur la domination; quand les rivaux d’hier font preuve d’évolution d’une position fermée vers une ouverture; quand on choisit d’être et non de posséder avec avidité ; quand on donne la primauté à la vie; quand on travaille avec elle et non contre elle ; quand on s’inscrit dans son flux avec honnêteté et sincérité, talent parfois.
Outre l’idéal qui mobilise les « justes », un projet humaniste consiste, selon le philosophe Frédéric Lenoir à « mettre l’homme au centre de tout en affirmant sa dignité, sa liberté et ses capacités de connaissance ». Qui, mieux que les éducateurs ( parents et enseignants ) est à même de réaliser un tel enjeu, ou du moins d’y contribuer ? Souvent, à l’école, les contenus prennent le pas sur la relation qui requiert encouragements, stimulation et bienveillance.
Épanouissement et autonomie intellectuelle vont de pair, quand, à quelques niveaux que ce soit l’École parvient à tenir ensemble singularité et universalité, travaillant ainsi à faire de chaque apprenant un futur citoyen curieux, capable d’initiatives. Au sentiment d’utilité doivent être initiés les prémices d’un pouvoir créatif qui fait sens, devenant sa signature.
Que me dit ma petite voix ? « Quel qu’il soit, le travail réalisé est l’amour rendu visible »
Bernadette GUIARD