Entre violence, conscience et Vérité : la musique de l’Ego, du Moi du Soi et de l’Être

Par Bernadette Guiard et Laurent Vivès 06.2022

Depuis le 24 Février 2022 en Ukraine, de l’eau a coulé sous les ponts, indifférente à la violence sans fin des hommes… jusqu’à la fatigue et l’écœurement du président américain, qui la déplore, mais qui, dans le même temps injecte des milliards dans l’armement ! Lui, et d’autres !

Sortirons-nous un jour du besoin de dominer et de posséder, pour enfin coopérer de façon pacifique ? Qui bénéficie de tous les profits que génère le système ? L’énergie est au service de l’argent alors que nous devrions la mettre à celui d’une solidarité au service des humains, menacés d’extinction sur une planète que nous avons contribué à abîmer.

Surexploitation, surconsommation, pollutions physique et relationnelle entretenues par des fous furieux que nous élisons, voués que nous sommes au mythe du Sauveur !

La conscience, certes progresse, mais elle est dépassée par une accélération du temps, du « mauvais » temps, quand les êtres luttent, fuient ou se figent, face à tous les traumatismes accumulés et si mal résolus. « Le corps n’oublie rien » : c’est le titre d’un livre très intéressant du chercheur en neurosciences Bessel Van der Kolk qui œuvre au Massachusetts.

Selon François de Closets, la faute est imputable à la génération des Boomers dont nous faisons partie. Nous avons, selon lui, perdu de vue que nous étions des citoyens, et nous sommes devenus des clients insatisfaits ! Vive la France qui est un grand pays ! En paix toute relative.

Cette analyse matérialiste me semble juste, mais réductrice. D’autres facteurs, autres que générationnels, ont du grever le système : le dysfonctionnement des institutions, les choix politiques, la multiplication des instances dirigeantes amenant à une complexification des démarches administratives, les dictats de l’U.E., les boucles de l’information galopante qui nous submerge… Un ensemble de causes structurelles qui ont entraîné vers un repli sur soi.

Entre injonctions et illusions, succès faciles et dérives, chacun est plus ou moins perdu et se réfugie là ou il peut.

Or, selon moi, l’essentiel est dans le lien que l’on entretien avec Soi, avec les autres, avec la Nature vivante que l’on a voulu dompter.  Arrogance de l’espèce supérieure, ou qui se prend pour telle.

Et l’âme dans tout ça ? Ma réponse est suggérée dans ce que je sais faire : un poème !

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« La Conscience, le moi, le soi et l’être : de l’individuation, vers la recherche de la vérité de soi même. »

Dialogue épistolaire entre Bernadette Guiard et Laurent Vivès – 26.06.2022

Bernadette m’a envoyé quelques textes récents, que vous trouvez ici. Ils ont fortement capté mon attention et inspiré quelques réflexions, que je livre en fin d’article (Laurent Vivès)

A – Le processus d’individuation (par Bernadette Guiard)

« Deviens qui tu es ».

De mon côté je tente d’approfondir le processus d’individuation, à la lumière de ce qu’en dit Carl Gustav Jung. Non de manière littéraire mais en essayant honnêtement de voir comment il à l’œuvre en moi. Rien à voir avec le matérialisme forcené prôné par les matérialistes. C’est au contraire le lent cheminement intérieur du passage du « moi », et de sa conscience analytique, au « Soi », ce guide intérieur qui accompagne nos choix en termes de valeurs, de quête d’unité, d’identité incarnée autre que celle qui se décline à travers sa profession, son nom, son poids, sa taille !

Il s’agit de mettre en mouvement « la totalité » de l’être, liant conscient et inconscient, lequel, si l’on n’est pas attentif à son langage, nous échappe, et pire, nous coupe de la réalité, de notre Vérité.

« La vie est un bien perdu

Quand on ne l’a pas vécue

Comme on aurait voulu »

Je suis allée voir le film « Presque » avec Alexandre Jollien, qui à travers tous ses livres montre comment il tente de mettre en œuvre ce processus d’individuation, d’autant plus périlleux à instaurer pour lui qu’il est lourdement handicapé moteur. Un bijou de résilience, qui n’est pas linéaire, mais se cultive pas à pas, au jour le jour !

On ne peut pas priver les hommes de leur courage à faire face à toutes sortes d’épreuves. C’est à travers elles que l’on apprend à se connaître, à s’élever. Nous sommes tous vulnérables, mais en même temps dotés de ressources insoupçonnées, tant qu’il ne nous est pas donné l’occasion de les mobiliser.

« Je chute et je me relève » : j’ai le choix. J’avais lu le livre de Philippe Labro « Tomber sept fois, se relever la huitième », lui qui fut en proie à une dépression profonde. Avoir foie en la vie ne relève d’aucune religion, mais d’une force invisible en nous, que l’on mobilise jusqu’à notre dernier souffle.

Conditionnés par notre psyché individuelle et collective et par notre environnement culturel, nous devons autant que faire se peut, incarner notre élan vital. Il est constitué d’énergie et de joie. Celle-ci nous incite à réaliser tout ce qui contribue à l’accomplissement de notre être : connaissance de soi, créativité, utilité (à travers la notion de services).

Pour devenir qui nous sommes vraiment, plusieurs clés sont à notre disposition :

               1 – Se poser les bonnes questions (qui suis-je ? ou vais-je ? qu’est ce qui est important pour moi ?), afin de rechercher le sens que nous souhaitons donner à notre vie.

               2 – faire dialoguer le moi conscient et l’inconscient personnel auquel s’agrège l’inconscient collectif, avec ses symboles et archétypes. Trois instances vont nous guider dans la connaissance de soi : les rêves signifiants, les synchronicités, l’imagination.

               3 – Intégrer le masculin et le féminin en soi comme des composants naturels et utiles.

               4 – traverser « l’ombre », la part obscure de la force vitale. Identifier, reconnaître et transmuter.

               5 – réunir les contraires, ne pas les opposer. Le fonctionnement terrestre est constitué de polarités (jour/nuit, chaud/froid, bien/mal). Pour progresser en conscience nous avons besoin de faire l’expérience des contraires.

« J’ai reconnu le bonheur au bruit qu’il a fait en partant » – Jacques Prévert

Violence - Conscience - Vérité - Soi

B – De l’Ego au Moi, et à la vérité du Soi et de l’Être (par Laurent Vivès)

Nietzsche disait : « la conscience a l’illusion de régner, de décider, mais elle ne gouverne pas. Elle est l’instrument qui exécute des choix et des décisions déjà acquises en profondeur ». Il déconstruisit aussi, le mythe du moi rationnel d’où découle celui d’un autre monde métaphysique, sensible, dans le ciel des idées.

L’Ego et le Moi nous individualisent et nous permettent de dire « je ». Directement liés à l’extérieur et aux émotions, ils sont influençables, parfois changeants. L’Ego précède le Moi dans l’immédiateté, l’impulsion, le ressenti de première ligne. Le Moi est un identifiant, plus intime, distinctif, parfois possessif (« c’est à moi ! »). Il est aussi en relation avec le Soi, qui est plus stable, plus pur  et ontologique.

Le Soi est constitutif et intuitif, se rapprochant  de la notion d’être, venant des profondeurs de l’évolution. On peut dire avec Jean Cigu que « Le Soi est ce qui relie le Moi au Grand Tout ».

Se connaître, c’est connaître son Soi, ce qu’illustre la célèbre épitaphe du temple de Delphes :

« Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux ».

L’approche de soi même est exigeante, car il faut trouver le chemin du subconscient, des sensations et tensions intimes qui nous commandent et viennent du fond de notre être. Pour tenter d’y parvenir, on peut essayer d’allier la méditation, et de multiples techniques, requérant des capacités de sensibilité, d’intuition, de concentration et de réaction. Le Yoga, le Bouddhisme sont à la mode et aident probablement beaucoup de personnes dans notre  monde perturbé et déstabilisant.

La révélation du Soi peut parfois survenir brusquement (l’insight) et solutionner quasi miraculeusement des problèmes existentiels. Un grand effort, une puissante émotion esthétique, un deuil, la confrontation inopinée à un événement majeur, peuvent aussi nous révéler qui nous sommes. On découvre alors la Vérité d’une part de soi même. Mieux se connaître peut aider à vivre, à faire les bons choix, à trouver la sérénité.

Les combattants Ukrainiens savent qui ils sont et pourquoi ils se battent. Tout leur être s’exprime dans leurs actions, leurs tensions, leur courage. Leur Soi profond ressurgit et les guide. Ils défendent un territoire, un pays, une culture, leur liberté, leur identité… On ignore ce que pensent les combattants Russes. Nous sommes ici dans le vieux stéréotype des envahisseurs-agresseurs contre le peuple envahi-agressé. Il y a fort à parier que les cheminements de pensées de ces soldats doivent ressembler aux nombreux exemples de notre histoire. Mais dans les deux camps c’est : « Gott mit uns ! ». Albert Ier, le roi des Belges disait aussi :  » Un pays qui se défend s’impose au respect de tous. Ce pays ne périt pas. Dieu sera avec nous dans cette juste cause.

Plus simplement, dans notre quotidienneté, chercher à se connaître et à vivre selon ce que nous sommes, peut nous aider à être en paix avec nous-mêmes, à nous amender, à aimer autrui et à partager. Bien se connaître est aussi une porte ouverte vers l’altérité l’échange.

Mais peut-on arriver à vraiment se connaître ? Car dans cette quête nous sommes à la fois l’observateur et le sujet, qui peut de plus, être fuyant et changeant. Il ne faut pas aussi confondre atteindre le calme, la sérénité et la sagesse (grâce à la méditation, l’expérience, la modestie et l’introspection), avec la profonde conscience de Soi même, de notre relation au monde, à la nature, aux autres humains et du continuum ancestral d’où nous venons.

On touche ici à la notion de «  l’Être », chère à Parménide, Platon, Aristote et Heidegger, pour la version transcendantale et à Hegel pour la version dialectique :

  • Dans la version métaphysique, l’Être recouvre «  l’étant »  (les choses, le concret) et l’Être ontologique, concept venu de « l’au-delà ». L’Etant ne serait alors que le support de l’Être conceptuel, « extra-substantiel ». L’Être se manifeste à travers l’Etant.
  • Pour Hegel le « dialectique », les concepts de vie et de mort sont les clés du processus de la « conscience de soi ». L’esprit se connaît dès qu’il a conscience de lui. Les choses n’existent  que dans la mesure où elles sont adéquates à leurs concepts. L’être atteint la signification de la vérité quand l’idée est l’unité du concept et de la réalité. L’être existe en tant qu’unité entre le concept et l’objectivité des choses. Ici la relation est subtile, modulée, il y a un va et vient entre l’Étant et l’Être. Dans cette optique, l’Étant n’est donc plus un simple support dans lequel se glisse l’Être. Le va et vient entre eux coulisse à travers le concept et l’idée, et l’Être est comme un chef d’orchestre, l’Étant est l’orchestre avec toutes les catégories de musiciens et d’instruments, qui jouent la musique de la Vérité et de la Vie, dont la partition est évolutive. Cette partition est le code génétique fruit de l’évolution depuis la nuit des temps.

« J’ai eu peur pour Moi, cette chose en Soi était horrible et je l’ai ressentie jusqu’au plus profond de mon Être ».

Avec le Moi, le Soi et l’Être, nous cheminons vers notre Vérité, par divers chemins et moyens, parmi lesquels, le ressenti, l’intuition, l’introspection, le vécu, la révélation, la conception et l’interaction, qui nous éloignent du rationnel, du méthodique et du scientifique.  

Le mystère de l’être humain est encore à découvrir…

Laurent Vivès le 26.06.2022

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